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Webmaster Brigitte Kieffer
Au-delà d’un cercle restreint d’initiés, s’agissant d’artistes non figés dans leur expression, avoir une lecture de l’évolution de leur œuvre peut se faire, soit à l’occasion d’expositions publiques, soit, phénomène récent, par le biais d’un site internet.
 
Dépendant du taux de fréquentation et de la qualité de la couverture médiatique on mesure le caractère aléatoire lié au premier cas.
 
A l’âge du numérique, en ce qui me concerne, il n’y a aucun doute sur la pertinence de la seconde option.
 
L’EVOLUTION
 
Cependant, infliger aux visiteurs du site plus de quarante années d’activité par une saturation d’images serait inapproprié pour permettre une approche suffisamment claire du contenu. Pour cette raison, celui-ci se limite à une partie récente de ma production, l’ensemble comprenant quelques dizaines de peintures ainsi qu’une chronologie du parcours professionnel. Comme indiqué plus bas le format moyen est de 60x80cm; techniques mixtes mêlant acrylique aux projections d'aérosols.
 
Dans ce texte de présentation on trouvera un angle d’approche propre à ouvrir des pistes permettant une utile compréhension de ma démarche. Il s’agit d’évaluer ce qui en constitue la philosophie, dans le sens où est appliqué un système d’idées qui en structure le fondement, durant la période décennale 2010-2020, confortant une évolution initiée au début du siècle.
 
Pour cela, peut-être n’est-il pas inutile de rappeler quelques éléments empruntés à l’histoire de l’art. Si l’on se réfère à des critères d’évaluation, des peintres et de leurs œuvres, encore en vigueur aujourd’hui, à l’origine des mouvements picturaux nous trouvons les peintures de chevalet intimistes pratiquées dans les sombres ateliers flamands des 15ème et 16ème siècles, ou celles, plus spectaculaires du quattrocento, des monastères et des basiliques italiens. Quelques siècles plus tard, depuis la peinture en extérieur des impressionnistes en quête de lumière, jusqu’au street art contemporain, écho lointain, profane et iconoclaste des fresques de Giotto, l’évolution s’accélère, reflet de celle de nos sociétés.
 
Logiquement, le contexte accompagnant les grandes mutations de l’art, on assiste à une augmentation ininterrompue des formats jusqu’à l’aboutissement actuel dans la démesure du land art. L’artiste Christo en est un des principaux acteurs, celui de l’emballage ; ayant été témoin de celui du Pont Neuf à Paris, le recours à des techniques d’escalades extrêmes, la performance, ici plus athlétique qu’artistique, mérite assurément son nom !
 
Au fil du temps, s’est développée une profusion des styles et des techniques; définir une démarche artistique relève souvent d’un exercice malaisé. Soit on se limite à des termes génériques insuffisamment précis, écoles, figuratif, abstrait, surréaliste, etc... se situant généralement dans la continuité d’un enseignement. Soit on aborde les démarches novatrices appelées aussi, trop souvent, avant-gardistes, n’ayant pas encore permis l’émergence d’un discours approprié. L’approximation sémantique peut se révéler sujette à interprétations erronées.
 
Je dois avouer, mais est-ce un crime, que jusqu’à un passé récent ma peinture était faite de pulsions intuitives, nourries principalement d’imaginaire, que je classais, si on me le demandait, dans les cases fourre-tout du surréalisme ou du symbolisme, parfois imprégnées d’ethnicité basque, folklorique ou non. Régulièrement revenait un besoin, obsessionnel, de géométrie. Il en résultait, certes l’expression d’une créativité féconde, mais, manquant de cohérence, celle-ci pouvait se révéler déroutante pour l’observateur. Il convient d’ajouter qu’associer mon travail aux vocables couramment utilisés, quand bien même cela pouvait-il, ponctuellement, avoir de la pertinence, ne me convenait pas.
 
L’ATELIER
 
Lorsqu’est abordée la pratique d’un artiste plasticien, rarement l'atelier, à la base de son travail créatif, n’est cité.
 
L’ART dit CONTEMPORAIN veut du grand, du très grand, jusqu’au démesuré. On confond art et décoration, ou aménagement. L’humilité n’a pas bonne presse ; or, du moins pour ce qui est du format des œuvres, c’est ce qui caractérise précisément aujourd’hui ma pratique, suivant en cela la taille de mes ateliers successifs allant au fil du temps decrescendo.
 
A rebours des tendances en vigueur, ressentant la nécessité d’une peinture plus intimiste, à l’identique de celle pratiquée par les maitres flamands, petits ou grands, la réduction des formats s’est imposée à moi. A titre d’exemples je citerai les célèbres tableaux du Maitre de Bruges du 15ème siècle Jan van Eyck, sur panneau de chêne de 80x60cm pour  les époux Arnolfi , ou, pour la vierge du chancelier Rolin, de 66x62cm, qui correspondent aux formats moyens actuels de mes peintures.
 
La distance du regard à la surface d’expression, de création, est revenue à celle qui, il y a une cinquantaine d’années, me faisait m’arrêter, fasciné, sur un tableau de l’école breughélienne afin d’en examiner les subtiles compositions; de tenter d’en percer les secrets des glacis ; à cette époque, je pratiquais avec bonheur la restauration de certaines de ces antiquités.
 
PEINTURE ET GRAVURE, de CHAUVET à PROUST !
 
1-de CHAUVET :
Aussi surprenant que cela puisse paraitre, j’ai été aidé dans l’analyse de ma pratique et de ma production par une rencontre avec les peintures rupestres ornant les parois et les voutes des complexes touristiques consacrés à la reconstitution des grottes de Chauvet et de Lascaux. Ces fresques de l’art pariétal sont probablement à l’origine de tous les discours sur l’esthétique appliqués à la création plastique des siècles écoulés, au moins depuis la Renaissance.
 
In situ ce fut un choc, quasiment une révélation, en particulier en présence des peintures de Chauvet datant de 36.000 ans ! Je remarquai alors quelques similitudes entre les techniques utilisées par les « artistes » œuvrant en ces temps reculés, et celles que j’ai personnellement adoptées. Dans certaines des œuvres ornant ces sombres boyaux et cavités, un trait gravé structurant les sujets, probablement au moyen d’un stylet fait d’os poli ou de silex taillé, est mis en évidence, parfois agrémenté d’aplats colorés. Autres facteurs communs, la spontanéité du geste accompagnant leur réalisation, ajoutée, dans certaines représentations animales, à un effet dynamique de mouvement grâce à des techniques de répétitions, nous révélant ainsi une extraordinaire modernité ! Concernant mes propres créations, outre ces deux éléments constitutifs de ma pratique, on trouvera également l’association d’une forme de gravure à l’acte spécifique de peindre. Au moyen d’outils appropriés, je trace, dans le frais étalé sur la surface subjectile de préparation, des traits larges parallèles, ou fins discontinus, laissant des empreintes en léger relief, la ligne étant l’argument graphique prépondérant, l’effet dessin prenant le pas sur la peinture. En somme, une sorte de « dripping » intimiste ! Je dirais de l’anti Pollock ! Quelques similitudes, donc, mais n’en exagérons pas la portée car elles marquent les limites dans la comparaison avec les créations de nos lointains ancêtres. La visite du site permettra, si besoin, de s’en convaincre.
 
J’insisterai sur le fait que dans la partie gravée, il s’agit dans mon cas, d’un acte d’immédiateté s’accommodant difficilement de repentir ou d’approches graphiques matérialisées, par exemple, par des esquisses au fusain ou crayonnées. Cette immédiateté, terme que je préfère à celui de spontanéité en raison du sentiment de nécessité associé, revêt dans mes œuvres un caractère primordial compte tenu de l’absence de référant analogique, si ce n’est celui des œuvres précédentes. La gestuelle qui l’accompagne, dont on peut penser qu’elle contient la charge émotionnelle à l’origine de l’acte créatif, associée à une technique maitrisée, en est la raison. Il en résulte une première et unique esquisse structurant le futur de l’œuvre, imprévisible puisque sans référent, ouvrant sur des choix instinctuels non dénués de conséquences dans le processus de continuité et le temps d’exécution jusqu’à l’état final, stade important de la décision de signer qui en détermine ce que l’on a coutume d’appeler le style.
Dans la répétition de ces petits miracles se situe le questionnement intranquille de l’artiste, moteur de sa capacité de renouvellement, car cette imprévisibilité est, également et surtout, révélatrice des arcanes mystérieux de son réservoir de créativité !
 
2-à PROUST :
Extrait de Du côté de chez Swann. Le narrateur (alias Proust) fait une description du ressenti de l’un des protagonistes, Charles Swann, à l’écoute de musique classique, ici une sonate interprétée au piano.
« Il s’en représentait l’étendue, les groupements symétriques, la graphie, la valeur expressive; il avait devant lui cette chose qui n’est plus de la musique pure, qui est du dessin, de l’architecture, de la pensée, et qui permet de se rappeler la musique. »
 
Il s’agit ici d’une description d’un ressenti musical évoquant de façon explicite de la pure géométrie, au sens euclidien du terme. Enoncé sous la plume de Proust cela ne peut être anodin. La notion de rythme n’est pas évoquée dans ce texte bien qu’on en connaisse l’importance dans la plupart des modes d’expression musicaux. Le plasticien que je suis, en ressent la nécessaire expression. Elle s’exprime sous la forme de répétition de certains traits, lignes ou figures, pouvant exprimer une idée de mouvement, voire de vibrations, d’états instables, établissant ou, pour le moins, suggérant ainsi un parallèle avec le rythme tel qu’il se définit et se mesure lorsqu’il est appliqué à la création musicale. Celui-ci peut, dans les deux cas, traduire une idée d’énergie impulsée à l’œuvre. C’est ainsi que l’organisation de l’œuvre musicale ou plastique trouve dans ces concepts communs le liant permettant de donner sens, auditif ou visuel, à l’interprétation en favorisant la description et/ou la mémorisation.
 
Dans ma pratique, la solitude de l’atelier n’est pas totale ; la musique classique, ponctuée d’intermezzi jazzy, s’y est depuis longtemps invitée. J’imagine, parfois, comme s’il s’agissait d’un processus d’osmose, que certaines phrases ou phases peuvent interférer dans l’attention apportée, imprégner les images.
 
Ma propre création nécessite, dans son état final, un ressenti d’harmonie, autre lien musical, impliquant ainsi, dans un étonnant triolisme, celui que je reçois par les ondes. Combien de fois, en cours d’exécution de mes peintures, il m’est en effet venu à l’esprit l’idée que celles-ci puissent également refléter, s’inspirer, voire se hisser au niveau de celles que j’admire le plus des créations musicales. Je ne citerai pas de nom, craignant de paraître bien présomptueux…
 
Au-delà du premier ressenti, sensitif et personnel, le spectateur trouvera, je l’espère, dans ce texte intitulé «  de Chauvet à Proust », suffisamment d’éléments lui permettant une approche analytique de mes œuvres, et donc, une meilleure compréhension de ce qui les constitue.
 
Pour conclure j’ajouterai, bien que privilégiant le travail créatif effectué dans la solitude égoïste de l’atelier, une fois celui-ci terminé, que le partager avec l’autre est une source d’enrichissement et de plaisir. C’est la raison principale de ce texte.
 
Mikel DALBRET, Ciboure le 7 janvier 2020
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